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Photo du rédacteurCabinet MEGHENINI

VERS UN PRINCIPE DE RECONNAISSANCE ET D’OPPOSABILITÉ DES RÉPUDIATIONS EN FRANCE ?

Par un arrêt phare en la matière, rendu le 17 février 2004 (n°01-11-11.549, 1ère chambre civile), la Cour de cassation considérait que les divorces par répudiation devaient être regardés comme contraires à la conception française de l’ordre public, au nom du principe d’égalité des époux.Elle faisait donc de l’inopposabilité des répudiations un principe, et de leur reconnaissance une très rare exception.


Par un arrêt rendu le 12 Juillet 2023 (n°21-21.185), la 1ère chambre civile semble désormais avoir inversé son appréciation, faire de la reconnaissance des répudiations un principe, et de leur inopposabilité une exception.


Cette dernière décision, qui intervient près de 20 ans après l’arrêt de principe susmentionné, vient-elle véritablement bouleverser la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’inopposabilité des répudiations en France ? Explications.


Dans l’arrêt précité de 2004, les époux étaient de nationalité algérienne, s’étaient mariés en Algérie et résidaient en France.L’époux a engagé une procédure de divorce par répudiation en Algérie, puis quelques mois plus tard son épouse a introduit une procédure de divorce en France.L’époux a alors soulevé l’exception de litispendance internationale, afin de faire échec à la procédure française, au profit de la procédure algérienne.


Sa demande a alors été rejetée, et l’arrêt rendu par la Cour d’appel est venu confirmer ce rejet.


L’époux débouté invoquait : que le litige entre les époux, tous deux de nationalité algérienne et mariés en Algérie, se rattachait de manière caractérisée aux juridictions algériennes ; que la procédure devant la juridiction algérienne avait été loyale et contradictoire, l’épouse obtenant des dommages-intérêts ; que le choix du juge algérien n’avait pas été frauduleux, dans la mesure où la saisine de la juridiction algérienne ne visait pas à faire obstacle à la saisine préalable du juge français et où, au contraire, l’épouse n’avait saisi la juridiction française qu’après mise en œuvre de la procédure en Algérie.


La Cour de cassation a retenu que le divorce par répudiation avait été prononcé malgré l’opposition de l’épouse, au motif que la loi algérienne admettait que le divorce soit prononcé sur la seule volonté de l’époux.


Par conséquent, bien que la procédure algérienne ait été menée de façon loyale et contradictoire, le fait que l’opposition de l’épouse soit demeurée sans effet juridique était contraire au principe d’égalité des époux, et faisait obstacle à l’opposabilité de la répudiation en France, dès lors que, et cet élément a toute son importance, que les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français.


Depuis cet arrêt de principe, l’inopposabilité, en France, des divorces par répudiation était devenu le principe.


Par un arrêt rendu le 12 Juillet 2023, la Cour de cassation semble inverser la tendance, et faire de l’opposabilité des répudiations un principe, et de l’inopposabilité une exception.


En effet, dans cette affaire concernant un couple tunisien marié en Tunisie en 2006, devenu français en 2016 et divorcé en Tunisie en 2017, l’épouse a saisi le Juge français d’une requête en divorce, alors qu’un jugement de divorce, par répudiation, avait déjà été rendu en Tunisie un an et demi plus tôt.


L’époux a donc invoqué l’autorité de la chose jugée, afin de faire échec à cette procédure de divorce en France.


Le juge français a alors fait droit à l’époux et a jugé que le jugement de divorce tunisien était opposable en France, et que la requête en divorce de l’épouse était de ce fait irrecevable.


Devant la Cour de cassation, l’épouse s’est notamment fondée sur la jurisprudence de 2004, relative à l’inopposabilité des répudiations en France, soutenant que le juge tunisien s’était contenté de constater que l’époux voulait divorcer, afin de prononcer le divorce du couple, sans donner d’effet à l’opposition de l’épouse.


La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’épouse, au motif que, dès lors que le droit tunisien offrait également à l’épouse, comme pour l’homme, le droit de divorcer par sa seule volonté, cette répudiation ne pouvait pas être qualifiée de telle, et que l’épouse avait été régulièrement citée et représentée par un avocat devant les juridictions tunisiennes, et qu’elle avait exercé les voies de recours mise à sa disposition.


Le code du statut personnel tunisien dispose en effet en son article 31 :« Le Tribunal prononce le divorce : en cas de consentement mutuel des époux ; à la demande de l’un des époux en raison du préjudice qu’il a subi ; à la demande du mari ou de la femme ».


La « répudiation » est donc autant ouverte à l’homme qu’à la femme.


La Cour de cassation termine en précisant ce point essentiel qui est que l’épouse ne démontre pas que les décisions tunisiennes avaient été rendues en fraude de ses droits.


L’inopposabilité des répudiations est-elle à présent subordonnée à la preuve, par l’épouse répudiée, de son préjudice ?


Cette décision ne soulèverait pas de question si les époux n’avaient eu, au moment du prononcé du divorce tunisien, aucun lien de rattachement avec la France (nationalité tunisienne, résidence habituelle en Tunisie).


Tel n’est pas le cas, puisqu’au moment où le divorce tunisien a été prononcé, les époux avaient déjà acquis la nationalité française et avaient leur résidence habituelle en France.


Par conséquent, l’épouse qui invoque l’inopposabilité d’un jugement de divorce rendu à l’étranger par répudiation, semble désormais devoir prouver qu’elle a été lésée dans ses droits.


Dans cet arrêt, la Cour de cassation insiste sur le fait que la loi tunisienne offre à l’épouse la possibilité de divorcer par sa volonté unilatérale, tout comme l’époux.


Il est intéressant de faire un parallèle avec la loi algérienne : bien que cette dernière offre désormais à l’épouse le droit de divorcer par sa volonté unilatérale (« khol’a »), les divorces par répudiation rendus en Algérie sur requête de l’époux continuent d’être bien souvent déclarés inopposables en France, car contraires à l’ordre public français, alors même que l’épouse a la possibilité, tout comme son époux, de demander le divorce de façon unilatérale.


Les décisions à venir nous éclaireront certainement sur la position des juridictions françaises concernant la reconnaissance des répudiations rendues dans des pays qui ouvrent aux femmes la possibilité de demander, elles aussi, le divorce.


De même, les prises de position de la Cour de cassation orienteront probablement les décisions amenées à être prises par le Tribunal Judiciaire de Nantes dans le cadre des demandes de transcription et d’opposabilité des divorces par répudiation rendus notamment en Algérie.

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