Lorsqu’une procédure de divorce est engagée en Algérie par l’un des époux, et que par la suite l’autre conjoint engage une procédure de divorce en France, cette dernière pourra être interrompue si certaines conditions sont remplies, au profit des juridictions algériennes : c’est ce qu’on appelle l’exception de litispendance internationale.
Toutefois, cette possibilité est conditionnée à plusieurs critères cumulatifs.
L’article 100 du Code de procédure civile dispose :
« Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d’office ». L’exception de litispendance internationale peut être accueillie dès lors que :
- il existe une instance à l’étranger, déjà engagée, - il y a identité de partie, du litige et d’objets, - le juge étranger premier saisi est compétent pour connaître du litige, au regard des
- règles internationales applicables, - la décision est susceptible d’être reconnue en France, au regard de ces mêmes règles.
Les 2 premières conditions ne soulèvent pas de difficulté particulière.
Concernant la troisième condition, relative à la compétence du juge étranger pour connaître du litige, il conviendra d’apporter certaines précisions.
La procédure de divorce engagée en Algérie devra avoir un lien de rattachement suffisant avec ce pays.
Or, il a été jugé que le simple fait d’avoir la nationalité algérienne n’était pas suffisant pour caractériser la compétence du Juge algérien pour connaître d’un divorce entre deux algériens.
En effet, par un arrêt en date du 19 octobre 2016, la Cour de cassation a confirmé la décision d’une Cour d’appel qui, pour constater que le Juge algérien n’était pas compétent pour connaître du divorce entre deux algériens, a retenu que les époux avaient leur résidence habituelle en France, et que le Juge français était donc le seul compétent pour connaître de leur divorce :
« Considérant que Monsieur X..., né en France et de nationalité française possède également la nationalité algérienne ; qu’il a épousé en Algérie une jeune femme algérienne ; Que toutefois, Monsieur X... qui a travaillé de nombreuses années en France et perçoit une pension d’invalidité, vivait au moment du mariage en France (…) ; que dès l’obtention des autorisations administratives, Madame Y... a rejoint son époux sur le territoire français le 10 mars 2007 dans son logement qui allait devenir le logement de la famille ; que l’enfant issu de cette union est né en France et a vécu dans ce logement jusqu’au 22 décembre 2010, date à laquelle le couple et l’enfant sont partis en Algérie pour une période de trois semaines de vacances selon Madame Y... comme en attestent les billets d’avion aller-retour achetés à cet effet ; Que Monsieur X... ne justifie nullement que le couple avait pris la décision de s’installer définitivement en Algérie pour soigner sa mère ; qu’en effet aucune démarche administrative n’a été effectuée en ce sens par les époux ; qu’ils n’ont pas résilié le bail de leur logement social et déménagé leurs meubles ; qu’ils n’ont entrepris aucune démarche de délocalisation au niveau bancaire ou fiscal ; (…)Que l’ensemble de ces éléments démontrent que les époux X... n’avaient pas de domicile effectif en Algérie mais uniquement un domicile provisoire et temporaire ; qu’en conséquence la procédure de divorce introduite par Monsieur X... en Algérie ne se rattache pas de manière suffisante avec ce pays nonobstant leur nationalité algérienne ».
Le lien de rattachement avec l’Algérie doit donc être suffisant et caractérisé pour que le juge français accepte de se dessaisir au profit du Juge algérien.
Ensuite, le quatrième critère est celui de la reconnaissance en France du futur jugement de divorce algérien.
Si les 3 premiers critères sont satisfaits, le Juge français devra s’assurer que le futur divorce algérien sera susceptible d’être reconnu en France.
Dans le cas présent, à savoir lorsqu’une procédure de divorce a été engagée en Algérie, avant celle engagée en France par l’autre conjoint, le Juge français, pour déterminer s’il doit se dessaisir au profit des juridictions algériennes saisies en premier, se réfèrera à la convention franco-algérienne du 29 août 1964 relative à l’exequatur et l’extradition.
L’article 1er de ce texte prévoit que le jugement de divorce rendu par la juridiction algérienne a de plein droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire de l’autre état s’il réunit les conditions suivantes :
1) la décision émane d’une juridiction compétente selon les règles de conflit de compétence admises dans l’état où la décision doit être exécutée, 2) les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes selon la loi de l’état dans lequel la décision a été rendue : il s’agit de l’ordre public procédural, 3) la décision est, d’après la loi de l’état où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution, 4) la décision ne contient rien de contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet état. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard l’autorité de la chose jugée.
Or, il existe un divorce algérien contraire à l’ordre public français, et donc non reconnu en France : la répudiation.
Si la procédure de divorce engagée en Algérie correspond à une répudiation, alors le Juge français considèrera que les conditions pour qu’il se dessaisisse ne sont pas remplies.
Ainsi, lorsque le futur jugement de divorce algérien n’est pas contraire à l’ordre public français, et que les trois premières conditions sont remplies, le Juge français se dessaisira au profit du Juge algérien.
C’est ce qui a été rappelé dans un arrêt de la Cour de Cassation en date du 17 juin 1997:
« Attendu qu’après avoir exactement énoncé que les juridictions algériennes étaient internationalement compétentes pour statuer sur le divorce des époux X..., de nationalité algérienne et domiciliés en Algérie, les juges du fond ont pu retenir l’état de litispendance internationale imposant le dessaisissement de la juridiction française saisie par l’épouse, en constatant que M. X... avait antérieurement engagé l’instance en divorce devant la juridiction algérienne, dont la décision était susceptible d’être reconnue en France ».
Enfin, il sera rappelé que l’exception de litispendance doit être soulevée devant le Juge français avant toute défense au fond (« in limine litis »), c’est-à-dire avant toute tentative de conciliation.
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